H漫画

par Janet Wallace

Sur une ferme, une culture n鈥檈st jamais seule. La relation culture-ravageur, comme la plupart des relations, est complexe. Elle est influenc茅e par les vari茅t茅s cultiv茅es l鈥檃nn茅e pr茅c茅dente, les plantes voisines et les mauvaises herbes.

听

L鈥檈nvironnement imm茅diat peut abriter des ravageurs ou, pr茅f茅rablement 锚tre un habitat pour les organismes b茅n茅fiques. Plut么t que d鈥檃voir recours 脿 une pulv茅risation pour tuer les ravageurs, les agriculteurs biologiques influencent indirectement les ravageurs en faisant la gestion des plantes voisines.

Les ravageurs sp茅cialistes (par ex. le doryphore de la pomme de terre, la mouche de la carotte, la pyrale du ma茂s) se nourrissent d鈥檜n groupe sp茅cifique de plantes. Plusieurs 茅tudes r茅v猫lent que les ravageurs sp茅cialistes sont plus abondants dans les champs de monocultures bien d茅sherb茅s que dans les champs o霉 cro卯t une plus grande vari茅t茅 de plantes. La diversit茅 peut 锚tre atteinte gr芒ce aux cultures intercalaires, aux cultures de couverture et aux mauvaises herbes.

Les scientifiques ont tent茅 d鈥檈xpliquer comment les plants des non-cultures interf猫rent avec les ravageurs. Le seul message clair est qu鈥檌l n鈥檡 a pas de solution universelle. La relation entre les ravageurs et les h么tes est influenc茅e par plusieurs facteurs.

Les plantes compagnes et voisines peuvent r茅duire la pression exerc茅e par les ravageurs听de la mani猫re suivante:

1. En procurant un habitat aux ennemis des ravageurs
2. En trompant les ravageurs et camouflant les cultures
3. En pi茅geant les ravageurs
4. En repoussant les ravageurs

Est-ce que la m茅thode du compagnonnage contr么le les ravageurs? Les agriculteurs peuvent-ils retirer les m锚mes b茅n茅fices en g茅rant tout simplement les mauvaises herbes et les aires sauvages de la ferme? La Grappe scientifique biologique (GSB) explore ces questions.

1. Procurer un habitat aux 芦听ennemis听禄

Quand ils combattent les ravageurs, les agriculteurs deviennent les alli茅s des ennemis des ravageurs 鈥� ces oiseaux, amphibiens, insectes et autres cr茅atures qui attaquent les ravageurs. Les plantes compagnes, voire les mauvaises herbes, peuvent nourrir et abriter de tels ennemis. L鈥檕bjectif est de garder une arm茅e d鈥檈nnemis pr锚ts 脿 agir au besoin. Les agriculteurs peuvent soutenir les ennemis en maintenant une diversit茅 de plantes qui fleurissent tout au long de la saison v茅g茅tative, du printemps jusqu鈥櫭� l鈥檃utomne.

芦听Il est maintenant bien connu que l鈥檜tilisation de bandes de fleurs peut accroitre la biodiversit茅, car elles sont des sources de nourriture et constituent un habitat pour les insectes b茅n茅fiques,听禄 dit Jos茅e Boisclair, une chercheuse de la GSB 脿 la Plateforme d鈥檌nnovation en听 agriculture biologique sise 脿 Saint-Bruno-de-Montarville, Qu茅bec.¹

Les fleurs peuvent fournir des nutriments 脿 plusieurs insectes pr茅dateurs et parasito茂des. Par exemple, les gu锚pes parasites adultes peuvent souvent se nourrir du nectar et/ou du pollen, alors que les larves se nourrissent des insectes 脿 corps mou, incluant les ravageurs.

Boisclair et les autres chercheurs de la GSB approfondissent les relations entre les insectes (tant ravageurs que b茅n茅fiques)听 et les fleurs. Ils 茅tudient sp茅cifiquement la luzerne, le p茅tunia, la moutarde, l鈥檃chill茅e, l鈥檃lysse, la coriandre, le cosmos, l鈥櫯搃llet d鈥橧nde et la capucine. Dans les exp茅riences men茅es en 2010-2011, Boisclair et ses coll猫gues ont observ茅 des coccinelles (pr茅datrices des ravageurs) dans toutes les plantes, mais les coccinelles ont 茅t茅 trouv茅es en plus grand nombre dans les 艙illets d鈥橧nde et les capucines. Les 茅tudes ant茅rieures sugg猫rent que les fleurs, incluant le cosmos, la moutarde et la carotte sauvage semblent am茅liorer la survie et la reproduction des gu锚pes parasites.²

芦 Une hausse spectaculaire du parasitisme a 茅t茅 observ茅e dans les cultures annuelles et les vergers avec des sous-bois riches en fleurs sauvages,听禄 dit Miguel Altieri. Il cite une 茅tude canadienne qui a montr茅 que les 艙ufs et larves des livr茅es et carpocapses de la pomme 茅taient parasit茅s dix-huit fois plus dans les vergers de pommes avec des fleurs sauvages que dans les vergers sans fleurs. De m锚me, Altieri rapporte que lorsque la moutarde fleurissait au milieu de cultures de choux, plus de larves de chenilles du chou 茅taient parasit茅es. Des chercheurs ont d茅couvert que les fleurs cultiv茅es attirent les insectes b茅n茅fiques et r茅duisent substantiellement la pression exerc茅e par les ravageurs; d鈥檃utres 茅tudes ont montr茅 que les aires sauvages ou parcelles tr猫fle/gramin茅es attirent davantage d鈥檌nvert茅br茅s b茅n茅fiques que les fleurs cultiv茅es.⁴

2. Tromper les ravageurs et camoufler les cultures

Les monocultures sont des endroits formidables pour les ravageurs. Les aliments sont concentr茅s et faciles 脿 trouver lorsqu鈥檜n seul type de plant cro卯t sur un sol nu. Les mauvaises herbes, plantes compagnes ou tout environnement autre qu鈥檜n sol nu peuvent interf茅rer avec la recherche d鈥檃liments des ravageurs et leur capacit茅 de se d茅placer entre les plantes. M锚me du papier vert ou des calques de mauvaises herbes en papier entre les plants peut r茅duire la pression exerc茅e par les ravageurs sur les cultures.⁵

Une culture intercalaire peut servir 脿 masquer l鈥檕deur de la culture qui peut attirer certains ravageurs telle la mouche de la carotte. Il a 茅t茅 d茅montr茅 que les rangs d鈥檕ignons et de carottes intercal茅s, en comparaison des monocultures, r茅duisent les dommages caus茅s par la mouche sur les carottes et ceux caus茅s par les thrips dans les cultures d鈥檕ignons (seulement lorsque les oignons 茅taient de jeunes plants).⁶

Le sous-ensemencement pr茅sente des avantages. La pression exerc茅e par les ravageurs, incluant les mouches du chou et de la carotte, est moins s茅v猫re en pr茅sence de cultures-abris. Finch et Collier 茅mettent l鈥檋ypoth猫se que les cultures-abris听 interrompent la ponte des 艙ufs de la mouche du chou.⁵ Les mouches se posent plusieurs fois sur les crucif猫res avant la ponte et re莽oivent des signaux d茅clencheurs chimiques 茅mis par les crucif猫res qui stimulent partiellement la ponte des 艙ufs. Ce cycle est interrompu chaque fois qu鈥檜ne mouche se pose sur une plante non crucif猫re et le cycle doit recommencer 脿 z茅ro. En laboratoire, 36% des mouches ont pondu des 艙ufs sur les crucif猫res en sol nu en comparaison de 7% sur les crucif猫res intercal茅es avec le tr猫fle.

Cependant, les cultures intercalaires ne sont pas toujours efficaces. Une 茅tude men茅e au Centre d鈥檃griculture biologique du Canada a montr茅 un plus grand nombre de doryphores de la pomme de terre dans les syst猫mes avec cultures-abris de lin, souci officinal ou raifort que lorsque les pommes de terre 茅taient cultiv茅es seules.⁷ Les chercheurs de la GSB 茅tudient pr茅sentement comment les cultures intercalaires de carottes et poireaux affectent les insectes.

3. Les cultures-app芒ts

Les cultures-app芒ts sont des 芦 plantes 脿 un stade de croissance d茅fini, des cultivars ou esp猫ces qui d茅vient la pression exerc茅e par les ravageurs sur la culture principale, car ils sont plus attirants. 禄⁸ Par exemple, les altises et les pucerons pr茅f猫rent la moutarde aux feuilles de chou. Lorsque ces plants cohabitent, la moutarde attire les ravageurs et la culture s鈥檈n trouve moins endommag茅e. La culture-app芒t infest茅e peut 锚tre fauch茅e ou labour茅e pour tuer les ravageurs avant qu鈥檌ls se reproduisent.

脌 titre d'exemple, les agriculteurs utilisent听:

• le brome ou le bl茅 脿 tige pleine pour pi茅ger la tenthr猫de dans les cultures de bl茅 de printemps;
• la luzerne pour pi茅ger la punaise dans les cultures de fraises; et
• le radis ol茅if猫re pour pi茅ger les n茅matodes 脿 kyste dans les cultures de betteraves 脿 sucre.

En Nouvelle-脡cosse, les chercheurs du CABC 茅tudient les cultures-app芒ts pour contr么ler les larves de taupin.⁹ Les semis de bl茅 semblent 锚tre des app芒ts prometteurs dans les cultures de carottes.

Dans une 茅tude de la GSB men茅e par le Dr Maryse Leblanc, les p茅tunias sont 茅valu茅s comme plante-pi猫ge pour la mouche du chou, et la stramoine commune pour pi茅ger le doryphore de la pomme de terre. Dans une autre 茅tude, Jos茅e Boisclair et son 茅quipe ont trouv茅 plus de punaises ternes sur les phac茅lies que sur les autres fleurs, ce qui sugg猫re que les phac茅lies peuvent 锚tre des plantes-pi猫ges efficaces dans les champs de fraises et de l茅gumes. De m锚me, la moutarde et l鈥檃lysson ont attir茅 plus d鈥檃ltises que les autres fleurs.

Les agriculteurs utilisent aussi la plantation h芒tive comme culture-app芒t. Par exemple, la mouche de l鈥檕ignon peut 锚tre attir茅e par les oignons jeunes et rabougris qui sont plant茅s t么t et, ce faisant, les dommages aux oignons de plus grande valeur sem茅s ult茅rieurement sont moindres. Pour le doryphore de la pomme de terre, la culture-app芒t peut 锚tre un rang de pommes de terre plant茅es t么t ou 脿 croissance rapide plac茅 entre les parcelles de pommes de terre de l鈥檃nn茅e pr茅c茅dente et de l鈥檃nn茅e courante. Une fois que ces plantes sont infest茅es de larves, le feuillage est d茅truit par le labour, le fauchage ou le br没lage.

4. Les moyens de dissuasion

Les soucis officinaux (Tagetes spp) ont depuis longtemps 茅t茅 utilis茅s comme plantes compagnes. Ils rel芒chent des compos茅s qui repoussent les insectes et les n茅matodes et inhibent les agents pathog猫nes bact茅riens, viraux et fongiques.

Il a 茅t茅 observ茅 que le chou cultiv茅 en culture intercalaire avec les soucis officinaux comporte moins de larves de la pi茅ride et du puceron cendr茅 du chou que le chou en monoculture.¹⁰听 De m锚me, les carottes cultiv茅es avec le souci officinal ont des racines moins fourchues ou malades que les carottes en monoculture, mais les rendements sont parfois inf茅rieurs, car les soucis sont trop comp茅titifs.¹¹

Les aires sauvages

Les agriculteurs peuvent influer sur l鈥檃ctivit茅 des insectes en 芦听modifiant les p茅riodes d鈥檈nsemencement, par la manipulation des cultures-abris et la gestion des limites et marges des champs.听禄⁴ Le fauchage des marges des champs peupl茅es de mauvaises herbes lorsque les populations de ravageurs sont 茅lev茅es peut inciter les ennemis 脿 migrer vers le champ l脿 et au moment o霉 ils sont utiles. Certains producteurs de fourrage s鈥檃ssurent qu鈥檌l y a toujours une bande en fleurs dans le champ pour attirer les insectes b茅n茅fiques.

En g茅n茅ral, les fermes biologiques affichent une plus grande biodiversit茅 que les fermes conventionnelles. La Dre C茅line Boutin, chercheuse 脿 Environnement Canada, a 茅tudi茅 des champs de soja/c茅r茅ales pr猫s de Peterborough, en Ontario. Elle a observ茅 qu鈥檈n comparaison des fermes conventionnelles, les champs et les haies des fermes biologiques h茅bergeaient plus de types et un plus grand nombre d鈥檕rganismes (plantes, papillons nocturnes, lombrics et oiseaux).¹² Un plus grand nombre d鈥檌nsectes indique qu鈥檌l y a davantage de chances de trouver des insectes b茅n茅fiques tout au long de la saison v茅g茅tative et de nuire 脿 un plus grand nombre de ravageurs.

Cinq fois moins de pucerons et beaucoup plus d鈥檈sp猫ces v茅g茅tales et de pr茅dateurs des ravageurs ont 茅t茅 observ茅s dans les champs de triticale biologiques comparativement aux champs conventionnels.¹³ Les traitements aux insecticides ont g茅n茅r茅 des chutes 脿 court terme du nombre de pucerons dans les champs conventionnels, mais la population a rapidement rebondi. Au contraire, les fermes biologiques h茅bergeaient les ennemis naturels pour contr么ler les pucerons tout au long de la saison.

Les champs biologiques peuvent aussi h茅berger plus d鈥檈nnemis des ravageurs 脿 cause des mauvaises herbes. 芦听Les explosions des populations de certains types de ravageurs sont moins susceptibles de survenir dans les syst猫mes de culture abritant une vari茅t茅 de mauvaises herbes que dans les champs sans mauvaises herbes, surtout 脿 cause de la hausse de mortalit茅 occasionn茅e par les ennemis naturels.听禄¹⁴ Par exemple, les champs de brocoli o霉 cro卯t la moutarde sauvage h茅bergent moins d鈥檃ltises que les champs d茅sherb茅s.³

Les engrais synth茅tiques influent 茅galement sur le nombre de ravageurs. L鈥檜tilisation d鈥檈ngrais conventionnels a 茅t茅 li茅e 脿 un plus grand nombre d鈥檌nsectes 芦听suceurs听禄 tels que les pucerons.¹⁵

Une revue de plusieurs 茅tudes r茅v猫le des r茅sultats contradictoires quant 脿 l鈥檈ffet des plantes non culturales sur le nombre de ravageurs.¹⁵ En g茅n茅ral, il y avait davantage de ravageurs sur les fermes biologiques que sur les fermes faisant usage de pesticides. Il y a simplement plus de vie dans les champs biologiques, qui abritent de plus grandes populations et une plus grande diversit茅 tant de ravageurs que d鈥檌nsectes b茅n茅fiques. Les 芦听ennemis naturels听禄 semblent avoir les ravageurs 脿 l鈥櫯搃l.听听

Une diversit茅 d鈥檋abitats 脿 la ferme semble affecter davantage les ennemis naturels que la m茅thode de la culture intercalaire.^16,17 L鈥櫭﹍茅ment-cl茅 est de maintenir la biodiversit茅 sur l鈥檈nsemble de la ferme 鈥� en utilisant haies, coupe-vents, mauvaises herbes, fleurs et cultures intercalaires.

Exemples de relations plantes b茅n茅fiques- ravageurs (d'Altieri and Nicholls, 2004)

听

Cet article est d鈥檃bord paru dans l鈥櫭ヾition sp茅ciale 脡t茅听2012 du 鈥淐anadian Organic Grower鈥� consacr茅e 脿 la recherche.听Cette 茅dition sp茅ciale du TCOG est publi茅e gr芒ce au soutien de la Grappe scientifique biologique. Les projets de la Grappe scientifique biologique d茅crits dans cet article ont 茅t茅 financ茅s par Agriculture et Agroalimentaire Canada.

La Grappe scientifique biologique du Canada (GSB) fait partie de l鈥橧nitiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du cadre strat茅gique Cultivons l鈥檃venir d鈥�, une initiative f茅d茅rale-provinciale-territoriale. La GSB est dirig茅e par le Centre d鈥檃griculture biologique du Canada et par le demandeur principal de l鈥檌ndustrie, la .

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