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Est‑ce que l’agriculture biologique est plus profitable?

Centre d'agriculture biologique du Canada

L’agriculture biologique est en général plus profitable que l’agriculture conventionnelle. C’est la conclusion d’un article publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture en 2009. L’auteur, Noémi Nemes, a examiné les résultats de plus de cinquante études qui comparaient l’économie des agricultures biologique et conventionnelle.

Aux États-Unis et en Europe, les fermes biologiques sont généralement plus profitables que les fermes conventionnelles à cause des prix plus élevés pour les produits biologiques et/ou du moindre coût des intrants. Dans les pays en développement, la marge de profit est plus grande pour les fermes biologiques parce qu’elles ont de meilleurs rendements et obtiennent des prix plus élevés comparativement aux fermes non biologiques.

Le profit résulte de la différence entre le revenu (les rendements des cultures multipliés par les prix) et les dépenses. Cependant, l’équation se complique par d’autres facteurs.  L’un des facteurs déterminants les plus cruciaux de la profitabilité, selon Nemes, est la compétence en gestion, particulièrement au niveau de la mise en marché. Les politiques agricoles, l’environnement commercial, et même des facteurs politiques affectent la profitabilité. Nemes suggère qu' « Il faut être prudent en comparant les études à travers le temps et l’espace car des conditions politiques, sociales et économiques différentes peuvent engendrer des résultats contraires. »

Dans de telles études, il est critique de choisir un groupe de comparaison approprié. Une étude menée pendant onze ans en Allemagne a montré que, lorsque les fermiers biologiques étaient comparés à un groupe de comparaison minutieusement sélectionné, les fermes biologiques affichaient des profits plus élevés. Cependant, lorsque les fermes biologiques étaient comparées à d’autres fermes en général, les profits étaient moins élevés. Dans un grand nombre des cinquante études examinées par Nemes, les fermes biologiques étaient comparées à des fermes conventionnelles de type et de grandeur similaires et dans la même région.

Les études les plus précises comparaient la profitabilité pour toutes les cultures incluses dans l’ensemble des cultures en rotation. L’évaluation d’une seule culture dans un système comportant plusieurs cultures peut produire des résultats trompeurs.

Rendements

“Les rendements dans les fermes biologiques bien établies sont souvent moins élevés que dans les fermes conventionnelles,” écrit Nemes, toutefois cette différence de rendement dépend de la culture et du climat. Par exemple, les rendements des cultures biologiques et conventionnelles sont semblables dans les rotations soja-maïs aux États-Unis et en production comparée de lait. 

Les études américaines montrent que, dans les régions plus humides (p.ex. la Ceinture de maïs (Corn Belt)), les rendements des cultures conventionnelles sont plus élevés que ceux des cultures biologiques, mais que dans les régions sèches, les rendements des cultures biologiques surpassent ceux des cultures conventionnelles. Dans les pays en développement, les rendements des cultures biologiques sont généralement plus élevés que ceux des cultures conventionnelles, mais ils sont encore plus élevés sous des conditions moins favorables (p.ex. en période de sécheresse).

La profitabilité se base sur le rendement des cultures calculé en boisseaux, tonnes ou litres. Cependant, si les comparaisons entre les rendements tenaient compte de la qualité de la culture ciblée, cela compenserait les rendements moins élevés des fermes biologiques dans les pays industrialisés. En comparant le rendement et la composition des légumes sur une période de 12 ans, on a observé que les fermes conventionnelles produisaient 24 % plus de cultures, mais que la matière sèche des légumes biologiques était supérieure de 28 %. 

Coûts de production

Les coûts de production sont généralement moins élevés pour les fermes biologiques. La plupart des études européennes ont montré que les frais d'exploitation variables sont de 60 à 70 % moins élevés en agriculture biologique, mais que les coûts fixes sont plus élevés en comparaison des fermes conventionnelles. Dans l’ensemble, les coûts totaux de production des fermes biologiques sont moindres.

Les données de toutes les études sont basées sur des coûts d’intrants relativement peu élevés. La hausse des prix des combustibles fossiles crée une hausse des coûts des intrants qui y sont reliés. Cela aura vraisemblablement un plus grand impact sur les fermes conventionnelles, particulièrement celles qui dépendent fortement des combustibles, engrais et pesticides synthétiques. Pour les fermes biologiques, les opérations hautement mécanisées et dépendantes des paillis plastiques seront les plus affectées.

Les coûts de production varient en fonction des régions. Par exemple, aux États-Unis, le coût des aliments biologiques pour animaux est beaucoup plus élevé dans certaines régions (p.ex. Nouvelle-Angleterre) que dans la Ceinture du maïs. Les coûts d’aliments pour animaux et de main-d'œuvre sont moins élevés dans les fermes laitières biologiques du Wisconsin que dans celles de la Nouvelle-Angleterre, les fermes du Wisconsin étant conséquemment plus profitables. En Amérique du Nord, le coût plus élevé des aliments biologiques pour animaux engendre les plus grandes différences au niveau de la performance financière des fermes laitières biologiques et conventionnelles.

Les coûts de main-d'œuvre sont souvent plus élevés sur les fermes biologiques. Les études européennes ont montré que les coûts de main-d'œuvre y sont de 10 à 20 % plus élevés que sur les exploitations conventionnelles comparables.
L’intérêt sur les prêts n’est pas souvent considéré dans les calculs des coûts de production; toutefois, les agriculteurs conventionnels ont des niveaux d’endettement significativement plus élevés que les agriculteurs biologiques, particulièrement ceux des pays en voie de développement. De hauts niveaux d’endettement peuvent avoir des conséquences désastreuses. En Inde, entre 1997 et 2005, environ 30,000 agriculteurs se sont suicidés dans l’état du Maharashtra après l’introduction du coton génétiquement modifié. « La principale cause du taux de suicide extrêmement élevé chez les agriculteurs est le service de la dette pour les coûts de démarrage, principalement pour les achats de semences et d’intrants chimiques. »

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La profitabilité est généralement la mesure du revenu net par hectare; le revenu net est défini par  le revenu brut dont on déduit les coûts totaux. Le revenu brut comprend les rendements moyens par hectare multipliés par la valeur marchande. 

La plupart des études européennes et canadiennes ont révélé des marges brutes similaires ou supérieures pour les fermes biologiques. Les fermes biologiques ont des rendements inférieurs, mais cela est compensé par des frais d'exploitation plus bas et de meilleurs prix pour les produits biologiques. Dans certains cas, la bonification pour les produits biologiques est nécessaire pour procurer des marges brutes plus élevées. Nemes écrit, « La dépendance à l’égard de la bonification peut menacer la viabilité économique à long terme de l’agriculture biologique. Comme le marché pour les cultures à fort rapport économique peut devenir saturé, et que la bonification puisse conséquemment s’en trouver annulée, une stratégie de diversification est conseillée, où des primes moins élevées sont allouées à toutes les cultures de la rotation. » Le type de rotation des cultures affecte la profitabilité. Dans les prairies canadiennes, les fermes de grains biologiques qui incluent des rotations d’oléagineux et de légumineuses procurent des revenus plus élevés et plus stables que les fermes à rotations simples basées sur les céréales.

Soutien gouvernemental

Dans la plupart des pays, les politiques gouvernementales procurent des bénéfices plus avantageux aux fermes conventionnelles. Les subventions sont pour la plupart conçues pour la production agrochimique intensive et à grande échelle, et génèrent des prix artificiellement plus bas pour les produits conventionnels. Une étude américaine, par exemple, a montré que « sans ces subventions gouvernementales, les rendements financiers en production biologique étaient de 143% supérieurs à ceux de la production conventionnelle, et que, quand les paiements gouvernementaux étaient pris en compte, les bénéfices engendrés par la production biologique étaient « seulement » de 78 % supérieurs aux bénéfices de la production conventionnelle.

En plus des subventions gouvernementales directes, les agriculteurs conventionnels reçoivent plus de soutien en services de vulgarisation et recherches financées par le gouvernement.  Tant les rendements et les marges brutes des fermiers biologiques pourraient augmenter si les services de vulgarisation fournissaient plus de formation et de conseils en gestion biologique.

Au-delà des bilans

La profitabilité, mentionne Nemes, va au-delà du bilan financier. L’agriculture comprend plusieurs coûts environnementaux, sociaux et sanitaires qui ne sont pas factorisés dans les équations de base du calcul des profits et pertes. Les coûts environnementaux incluent les dommages causés par l’érosion du sol, la pollution de l’eau et la destruction des habitats fauniques.  En général, l’agriculture conventionnelle contribue davantage à ces problèmes mais n’en paie pas les coûts associés, encourus par l’ensemble de la société.

Les coûts en santé liés à l’agriculture incluent les effets de l’ingestion de résidus de pesticides et l’intoxication aiguë par les pesticides. D’après l’Organisation mondiale de la santé, il y a environ à chaque année trois millions d’incidents d’empoisonnement par les pesticides. Les résidus de pesticides dans les aliments ont été liés aux problèmes gastro-intestinaux, neurologiques et reproducteurs.

Aussi, les aliments biologiques sont généralement considérés comme plus sains que les aliments conventionnels, partiellement parce que les normes biologiques interdisent l’utilisation d’ingrédients tels que les graisses hydrogénées, l’aspartame, les agents colorants artificiels et plusieurs autres produits associés aux problèmes de santé. Il a aussi été démontré que les aliments biologiques ont des niveaux plus élevés de vitamines, minéraux, acides gras et de phytonutriments bons pour la santé.

Impacts environnementaux positifs de l’agriculture biologique

  • Accroissement de la fertilité du sol – niveaux plus élevés de matière organique du sol, plus grande activité microbienne, meilleure structure du sol, etc.
  • Plus grande efficacité énergétique – il a été démontré que l’agriculture biologique est plus économe en énergie
  • Plus grande séquestration de carbone – la gestion biologique du sol et les rotations de cultures amènent souvent une plus grande séquestration du carbone
  • Moindre pollution de l’eau – les fermes conventionnelles sont responsables de la hausse de contamination des eaux souterraines par les nitrates et les produits agrochimiques synthétiques
  • Plus grande capture de l’eau - l’amélioration de la structure du sol biologique réduit les risques d’inondation
  • Hausse de la faune des sols – la vie des sols sous régie biologique est plus abondante et diversifiée
  • Réduction de l’érosion -  – l’agriculture biologique réduit l’érosion causée par le vent, l’eau et le surpâturage

Conclusion

La hausse de la profitabilité  des fermes biologiques, conclut Nemes, dépend de la demande des consommateurs, des prix du marché et du surprix pour les aliments biologiques. Dans les pays développés, « la nouvelle réduction des coûts de production (énergie, combustible, aliments pour animaux) et l’utilisation de meilleures variétés (en matière de résistance, rendement, etc) pourraient résulter en une hausse de la profitabilité  relative des fermes biologiques. »

Nemes soutient que l’analyse de la profitabilité devrait tenir compte des objectifs des agriculteurs. « Même si l’agriculteur biologique retire un profit moins élevé que son homologue conventionnel, ses principaux objectifs pourraient être atteints tout en gagnant un revenu suffisant pour sa famille. »

 “L’agriculture biologique fait face à une compétition non équitable sur les marchés à cause de:

  • L’effet de distorsion des programmes actuels de subvention qui favorisent la production conventionnelle;
  • L’accès inégal aux services de vulgarisation et de recherche; et
  • L’échec à comptabiliser les vrais coûts environnementaux, sociaux et sanitaires dans les prix des aliments conventionnels sur les marchés. »

Si les subventions et les services de vulgarisation étaient moins biaisés en faveur de la production conventionnelle, les rendements en production biologique pourraient augmenter et l’agriculture biologique deviendrait encore plus profitable. Si les coûts actuels (p.ex. les conséquences environnementales, sociales et liées à la santé) de l’agriculture étaient pris en compte, la vraie profitabilité de l’agriculture biologique pourrait être mesurée.

Nemes, Noémi. 2009. “Comparative analysis of organic and non-organic farming systems: a critical assessment of farm profitability.” Food and Agriculture Organization of the United Nations. Natural resources management environment department. ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/011/ak355e/ak355e00.pdf


Cet article a été rédigé par Janet Wallace pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’ du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le
CABC, la et les partenaires de l’industrie.