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Trop d’espèces sauvages?

Centre d'agriculture biologique du Canada

Un nombre croissant de recherches démontrent que les terres sous gestion biologique affichent une diversité et une richesse végétales et animales supérieures aux terres des systèmes agricoles sous gestion intensive.  Une étude récente menée en Ontario et citée dans l’article de Derek Lynch "" conclut que les champs et les bordures boisées des fermes biologiques hébergent substantiellement plus d’espèces végétales indigènes et exotiques que ceux des systèmes conventionnels. Une autre étude, également menée en Ontario, conclut de façon similaire que l’abondance des espèces d’oiseaux et la fréquence de leur présence étaient significativement plus élevées dans les opérations biologiques.  Est-il logique d’en déduire que, comme elles sont naturellement enclines à être plus riches en espèces sauvages, les fermes biologiques subiront de plus grandes pertes d’animaux et de récoltes au profit de quelques espèces opportunistes telles le cerf et le coyote?

Presque toutes les provinces canadiennes ont observé une hausse des populations de coyotes et de cerfs au cours des vingt dernières années. L’empiètement urbain, les hivers doux et une baisse du nombre de chasseurs comptent parmi les raisons évoquées pour justifier cette hausse. Pour les fermiers, cette tendance peut être particulièrement ardue au point de vue économique. En Ontario, par exemple, au cours de l’année fiscale 2008-2009, la province a déboursé plus de 1, 200,000 $ pour compenser les dommages causés par les coyotes et les loups. Le gouvernement de la Saskatchewan, en réponse aux plaintes des producteurs affectés par les pertes d’animaux, a instauré une prime de 20$ pour chaque coyote abattu. La Nouvelle-Écosse aussi, pour faire face à une population de cerfs causant plusieurs centaines de milliers de dollars de dommages aux récoltes, envisage de modifier les aires de chasse afin de  s’ajuster à cette pression à la hausse.

Toutefois, il ne semble y avoir aucune preuve ou article publiés qui suggéreraient que les fermes biologiques soient plus exposées que les opérations conventionnelles aux dommages causés par les cerfs ou les coyotes. C’est peut-être simplement parce que les départements gouvernementaux ou les compagnies d’assurance qui gèrent les réclamations liées à ces dommages n’ont pas encore entrepris de les classer en se basant sur le type de gestion de l’opération. Ou bien, peut-être que la nature typiquement diversifiée des fermes biologiques amoindrit l’impact économique lié à la lutte contre les prédateurs. La question n’est pas encore résolue. Ce qui est clair, c’est que les fermes biologiques subiront inévitablement  le harcèlement des coyotes et des cerfs. En se conformant à la vision de la Norme biologique canadienne suivant laquelle la production biologique doit « développer des exploitations durables et respectueuses de l’environnement », l’extermination des prédateurs par le biais des programmes d’élimination provinciaux en vigueur est une option légitime après que toutes les autres mesures préventives aient échoué.

De nombreux producteurs biologiques, qui tentent de rentabiliser leurs opérations par des taux de pertes acceptables, ont appliqué avec succès  le modèle biologique holistique à la gestion des cerfs et des coyotes. La clôture en grillage de 8 pieds est sans conteste l’option la plus efficace et, dans les cas de cultures de forte valeur, la plus économique pour  empêcher les cerfs d’accéder aux champs cultivés. Mais pour d’autres fermiers dont les cultures sont moins profitables, ou pour ceux qui cultivent de grandes superficies, une approche diversifiée est plus réaliste. Des clôtures électriques, un taux d’ensemencement plus élevé,  des répulsifs et des chiens : ces approches ont toutes été utilisées, souvent en complément l’une de l’autre, pour minimiser les dommages aux cultures. De nombreux fermiers ont aussi découvert que l’établissement de relations avec des chasseurs responsables promeut l’équilibre entre les espèces et l’autosuffisance.

Il semble que les populations de coyotes bénéficient tout autant de la gestion  holistique. Par exemple, plusieurs producteurs d’agneaux biologiques ou conventionnels croient qu’en appliquant une série de pratiques préventives, telles l’utilisation appropriée de clôtures, les animaux de garde et les visites fréquentes au pâturage, ils « entraîneront » les populations locales de coyotes à éviter les troupeaux d’élevage et à se nourrir plutôt de proies sauvages. En fait, de nombreux fermiers croient que, loin de réduire les populations de coyotes, les programmes très inefficaces de primes ne servent qu’à éliminer un groupe de coyotes « entraînés » qui sera remplacé par un groupe qui devra être « entraîné » à nouveau aux dépens du producteur.

La Norme biologique du Canada édicte que la production biologique doit « maximiser la productivité et favoriser la santé des diverses communautés de l’agroécosystème ». Les cerfs et les coyotes, généralement estimés par le grand public canadien,  ne font pas moins partie de ce système et c’est pourquoi les calculs des pertes économiques devraient tenir compte de la valeur sociétale et environnementale de ces deux espèces.  En fait, la plupart des fermiers seraient d’accord. Dans un sondage mené auprès des fermiers de l’Ontario, 77% croyaient que la présence des espèces sauvages sur les fermes faisait nécessairement partie de l’équilibre de la nature (OSCIA 2000). Cela ne signifie pas que les producteurs biologiques devraient tolérer les prédateurs jusqu’à en être ruinés financièrement, mais que les fermiers doivent considérer et implanter toutes les mesures préventives nécessaires contre les parasites et les prédateurs pour assurer l’intégrité écologique de la ferme biologique.


Cet article a été rédigé par Tanya Brouwers pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’ du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le
CABC, la et les partenaires de l’industrie.

Le présent  article constitue la partie 4 d’une série fondée sur la communication scientifique de 2009 de Derek Lynch, . Cliquez ici pour consulter les parties 1, 2 et 3.