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Comment enrichir le sol en phosphore pour accroître sa fertilité?

Centre d’agriculture biologique du Canada (CABC)

Depuis ses débuts, la recherche sur l’efficacité des méthodes d’enrichissement des sols en phosphore, afin d'accroître la fertilité de ces sols, a permis aux agriculteurs et agricultrices biologiques d'économiser beaucoup de temps et d'argent.

Un article récent du Canadian Journal of Soil Science (2010, vol. 90, p. 257-266) révèle que l’association de roche phosphatée et d’engrais vert cultivé de sarrasin n’a pas produit de résultats agronomiques significativement avantageux.

D’après Melissa Arcand, auteure principale de l’article et responsable de l'étude de terrain, même si l’une des trois roches phosphatées testées a augmenté l’assimilation du phosphore par le sarrasin cultivé, les résidus de sarrasin n’ont pas stimulé le rendement de la culture suivante.

Les résultats de l’étude indiquent donc qu'il ne serait pas rentable d'investir dans l’apport de phosphore sous forme de roche phosphatée. L'utilisation de différents engrais verts cultivés en fonction des spécificités du sol serait plus profitable.

Les sols de l’étude, par exemple, étaient généralement alcalins, mais il se peut que des sols acides répondent mieux au traitement. D’autres engrais verts, comme ceux à base de légumineuses, pourraient également donner des résultats différents.

Le phosphore des engrais synthétiques est extrait de la roche à l’aide d'acides, qui le rendent soluble et facile à assimiler par les plantes.

Pour l'agriculture biologique, la difficulté consiste à améliorer l’absorption du phosphore sans recourir à ce type d’engrais. Le phosphore, l’azote et le potassium sont trois macroéléments dont les plantes ont besoin en quantités importantes. Il n’existe pas de substituts à ces macroéléments : « ils sont essentiels; il est impossible de s’en passer », précise Melissa Arcand. Le manque de phosphore entrave habituellement la croissance des plantes.

L’étude «  » visait principalement à tester des moyens d’augmenter la biodisponibilité du phosphore.

Dans les systèmes de production agricole biologique, le phosphore provient surtout du recyclage de matières organiques produites sur place sous forme de compost, d’engrais vert ou de fumier. Ces matières organiques contiennent du phosphore qui, minéralisé par les microorganismes du sol, devient facilement utilisable par les plantes.

L’apport de résidus d’engrais vert peut accroître le taux de minéralisation du phosphore dans le sol, mais de faibles concentrations dans les résidus ne permettent généralement pas de répondre aux besoins des plantes. L’étude avance que le choix d’espèces destinées à servir d'engrais vert dont le phosphore est hautement assimilable peut pallier l'insuffisance des matières organiques à fournir tout le phosphore requis.

Le sarrasin a été retenu sur la foi d'études ayant démontré qu'il peut absorber des quantités de phosphore supérieures à ses propres besoins. L’excès du macroélément dans la plante pourrait par conséquent être transféré au sol par les résidus végétaux.

Dans l’étude ci­dessus, de la roche phosphatée de source ignée ou sédimentaire non traitée chimiquement a été utilisée à la place d’engrais synthétiques. Le phosphore de la roche phosphatée (phosphore naturel), quelle que soit l’origine de cette roche, est peu soluble, particulièrement dans les sols alcalins, qui constituent la majeure partie de la superficie cultivée biologiquement en Ontario et dans les Prairies.

Bien que l’étude n’ait pas démontré d’avantages significatifs liés à l’utilisation de la roche phosphatée, le processus suivi a sa valeur intrinsèque. En effet, le phosphore naturel est une ressource limitée. La production ininterrompue d’engrais phosphatés synthétiques finira probablement par épuiser le minerai. Si cela arrive, l'agriculture biologique ne sera pas prise au dépourvu, car elle aura intégré des méthodes d’enrichissement des sols qui ne reposent pas sur l'apport d’engrais phosphatés synthétiques.

« L’épuisement de la roche phosphatée (qui n’existe qu’en quantités finies) par l'industrie agrochimique signifie qu’un jour, l’agriculture ne pourra plus dépendre de cette source de phosphore. Nous devons parvenir à redistribuer les formes solubles et réactives de phosphore des terres et cours d’eau où l’élément abonde vers les endroits où il est insuffisamment représenté. Pour les sols qui manquent de phosphore assimilable par les plantes, mais où la concentration de phosphore total est élevée, nous devons également trouver des méthodes d’amélioration de l’absorption par les plantes. », explique Melissa Arcand.

En d’autres termes, la gestion des terres et des cultures pratiquée par l’agriculture biologique s’avérera incontournable lorsque l’approvisionnement actuel en phosphore sous forme d’engrais synthétiques ne sera plus possible.

À l’instar des gisements de pétrole, les sources de minerai phosphaté ne se renouvellent pas. Mais à la différence du pétrole, que la combustion transforme en dioxyde de carbone gazeux, le phosphore des engrais synthétiques ne s’« envole » pas. Il est dispersé dans le sol et l’eau sous diverses formes, souvent en concentrations trop élevées pour l'environnement : « Le phosphore est adsorbé à la surface de particules du sol ou assimilé par les plantes, puis il s’incorpore aux tissus des animaux qui consomment ces plantes ou aux microorganismes du sol. » (Arcand, 2010).

Le défi pour la recherche et les producteurs et productrices agricoles biologiques consiste à trouver des moyens de recycler le phosphore sous toutes ses formes sans emprunter de la voie à sens unique de la facilité ouverte par les engrais synthétiques.


Rédigé par Steve Harder pour le CABC. Pour un complément d’information, veuillez composer le 902-893-7256 ou écrire à oacc@dal.ca.

Affiché en septembre 2010